En tant que praticien, je suis un peu particulier et j’expérimente quotidiennement de nouvelles notions pour recadrer et ouvrir des options à mes partenaires. Ces derniers mois, je me concentre davantage sur les faits et moins sur le récit et les émotions entourant la problématique. Je pense que cela vient inconsciemment de mes lectures en thérapie cognitive-comportementale, en particulier celles d’Ellis, qui me ramènent à ce qui est assez naturel pour moi, c’est-à-dire une approche plus rationnelle.
Il est certain que cela ne convient pas à tout le monde, car la composition des perceptions est parfois un levier intéressant dans certaines stratégies pour amener les partenaires vers un mieux-être. L’idée de devoir entrer dans la carte de l’autre, comme vous le savez, même si elle est tentante parce qu’elle est assez simple, n’est qu’une option parmi d’autres dans le domaine de l’accompagnement.
La recherche des faits et du réel consiste rarement à entrer dans la carte du partenaire, mais plutôt à plonger dans ce qui se rapproche du territoire. Je suis d’accord que cela ne représente qu’un filtre supplémentaire, néanmoins, lorsque nous faisons décrire les faits au plus près de ce qui s’est réellement produit, nous éliminons les ajouts émotionnels. Nous zoomons certes avec une perspective qui est la leur, mais en supprimant tout ce qui génère du bruit, ces éléments qui sont là simplement pour parasiter les situations.
Au départ, nous n’accordons aucune importance à ce qui est pensé ou ressenti, nous ne cherchons qu’à réactiver la situation. Dès qu’une émotion remonte, nous la laissons quelques secondes, comme une information, une coloration de ce qui peut être perçu à cet instant précis de cette réalité. Je tiens à préciser qu’à ce moment là, nous ne saurons jamais si l’émotion de tristesse, par exemple, était celle d’origine. Il se peut qu’il s’agisse de peur, de colère ou autre. Donc conclure que cette situation te rend triste est erroné. Ce que tu perçois des faits à cet instant précis au cabinet te rend triste, après avoir recadré à maintes reprises ces situations problématiques vécues.
Plus nous ramenons nos partenaires, mais également nous-mêmes, dans le concret du quotidien, dans les faits, dans la description des choses, plus nous permettons à notre esprit d’éviter les options imaginées, nous les neutralisons. Par exemple, si une personne ressent une présence dans sa chambre lorsqu’elle éteint la lumière, si personne n’est là, les faits sont simplement que j’imagine que quelqu’un est là et que je ressens une présence alors que je suis seul. Nous éliminons simplement toutes les hypothèses et les « et si ». Cela apaise un peu l’esprit et surtout nous permet de mener des recherches sans hypothèses. Dans le cadre du cabinet, cela offre une nouvelle perspective.
Par exemple, lorsque quelqu’un affirme avoir failli mourir ou être mort lors d’un événement, il s’agit d’une autosuggestion répétée, car la réalité est que cette personne est bien en vie mais se répète intérieurement qu’elle n’est pas en vie. Insister sur cette facette indéniable, la faire exprimer, percevoir et ressentir sa vie, ouvre la possibilité du « vrai » instant présent et de tous les moments suivants tant qu’elle est en vie.
Pour en revenir au sujet que vous connaissez et que j’apprécie, la croyance est reléguée au second plan et nous ne nous appuyons que sur ce qui est palpable dans l’instant. Nous ne supprimons pas tous les filtres, nous les limitons de plus en plus. C’est un peu comme choisir entre la pilule bleue et la pilule rouge.
Plus nous cherchons à nous rapprocher du factuel, plus nous offrons une opportunité au partenaire (ou à nous-mêmes) de ne pas nous perdre dans nos récits. Les émotions doivent également être recadrées petit à petit. Ne laissez pas les partenaires dire « je ne sais pas pourquoi je pleure, je ressens ceci ou cela ». Il est utile d’aller prospecter pour ne pas être victime d’un parasitage et donc d’une éventuelle mentalisation sur le déni d’un événement. En séance, il est facile de vivre des émotions intenses, ce qui, pour certains partenaires, est un excellent moyen de rompre avec le schéma de questionnement ou l’orientation de la séance afin de ne pas toucher à ce qui pourrait être un élément clé. Pourquoi ? Parce que cela peut être déstabilisant, choquant et difficile à admettre. Prenons l’exemple de notre capacité à nous raconter des histoires sur un événement de notre vie, comme le décès de quelqu’un. Pendant des années, la mort de cette personne a été une excellente excuse pour se plaindre de tout. Et puis, après avoir dépassé les émotions et les discours, la personne exprime cette idée : « Je suis content qu’il soit mort, je le détestais. » En réalité, la personne décédée, qui était son excuse pour se plaindre, n’était pas la source de sa tristesse, mais le fait de se voir comme quelqu’un qui se réjouit de la mort de quelqu’un l’affecte au quotidien. En somme, c’est comme faire face à son ombre.
Des histoires de ce genre, j’en rencontre régulièrement lorsque nous nous orientons vers la recherche des faits et du réel…
Et vous, quelle est votre relation avec la réalité ?
Ne prenez ce qui est bon et juste pour vous.
Be one
Pank
