
J’ai la chance d’avoir un dojo assez petit dans tous les sens du terme. Ce qui est plutôt bien en BJJ et Luta, c’est que nous prenons beaucoup de place parce que nous nous allongeons au sol. Cette particularité du style limite le nombre de pratiquants.
On pourrait être frustré, mais on fait avec les moyens du bord, et l’essentiel est que les apprenants puissent quand même s’exprimer sans être trop les uns sur les autres. Cette systémie m’offre une proximité avec ma cinquantaine d’élèves. Je connais leur prénom, je peux voir quand quelqu’un entre ou sort de la salle, je connais leur progression, etc.
C’est vraiment bien pour moi et pour mon enseignement. La difficulté se trouve dans les grandes académies qui, certes, font un bon chiffre d’affaires mais brassent énormément de pratiquants. Il est difficile pour les professeurs de vraiment prêter attention à tous et cet anonymat crée automatiquement des clans.
Il est difficile de ne pas être reconnu, et la nature fait que nous allons nous regrouper autour de points communs avec d’autres élèves, parfois en opposition avec des enseignants ou des cadres qui ne correspondent pas.
On pourrait se dire qu’ils n’ont qu’à partir si ce qui est proposé ne convient pas, mais la plupart des sportifs se retrouvent dans des lieux avant tout pour la proximité, puis avec les années, restent par les habitudes, qu’elles soient sociales ou pratiques. Comme en plus nous avons une tendance à biaiser, nous continuons à ne voir que ce qui ne correspond pas, ce qui avec le temps va créer des tensions au sein du dojo.
Si rapidement, les « dissidents » ne sont pas recadrés ou renvoyés, l’ambiance générale du groupe va se faire sentir. Les grands groupes sont toujours difficiles à gérer, et beaucoup d’enseignants ne sont pas là pour faire de la gestion des ressources humaines (RH).
Il se peut également que ça soit la faute de la discipline, ou en tout cas ce qu’est devenu le BJJ et la Luta. Beaucoup de pratiquants ont l’idée que c’est un art martial plus « cool » que les styles japonais ou chinois. Le côté Do Brasil et puis l’ambiance, souvent la musique, les quelques rituels de salutation, l’exemple de beaucoup de Brésiliens qui pendant des années arrivaient en retard, les cours qui ne commencent ni ne finissent dans les temps, etc.
Les élèves voyant les anciens agir comme cela, ou simplement n’ayant pas de cadre strict dans ces grandes usines à pratiquants, répètent simplement ce qu’ils perçoivent. Quand Itosu a développé le Karaté de masse, il a dû modifier ce qui a fait pendant des décennies l’enseignement en petit groupe de ce style. Il a créé une étiquette et une discipline très formelle.
Les kihons se répétaient en rythme, tout le monde en même temps, il n’y avait pas de place ni à la créativité ni à l’individualité. Avec un style plus relaxe où l’égo des élèves peut facilement exploser, la quantité de pratiquants peut devenir un vrai problème.
Tout se joue dans les règles et les cadres. Si tout est clair et défini, qu’il n’y a pas de passe-droit, notamment avec les ceintures noires, que tout le monde est soumis aux mêmes règles, les choses se conforment. Il n’y a de liberté que dans des cadres déterminés, sinon nous passons notre temps à chercher les limites de ladite liberté.
C’est une réflexion complexe que doivent se poser les propriétaires de grandes salles, pour maintenir un niveau d’enseignement de qualité, une satisfaction globale élevée, sans que tout ne devienne impersonnel et qu’il y ait de vrais bénéfices pour les adhérents dans une ambiance constructive.
Et vous, comment géreriez-vous une grosse académie ?
Ne prenez ce qui est bon et juste pour vous.
Be One.
Pank